[Projet 52 : auto-portraits.] A corps ouvert

 


Au seuil de l'année 2020, je me suis intéressée à l'idée de me poser une "contrainte à créer". Comme l'inktober a pu être un cadre intéressant pour travailler mon aquarelle, il me fallait un cadre pour la photographie également. 

La question du cadre est toujours primordiale. Toute chose pour exister nécessite un cadre dans lequel elle peut être amener à naître, être et se développer. Le cadre doit pouvoir être permissif, protecteur, mais aussi limitant dans une certaine mesure pour éviter l'éparpillement voire la dissolution.

J'ai choisi un projet ambitieux : 1 auto-portrait par semaine pendant toute l'année. Cette fréquence était plus que difficile à envisager pour moi, avec mon travail de 40h/semaine , mes multiples passions, mes proches. Mais j'ai décidé de lui donner une chance. L'idée était de faire une photo, au moins par semaine, de passer moins d'une heure à faire des photos (environ, je n'avais pas le chronomètre en main mais il faut compter le tri, le traitement éventuel...), et de me forcer à tester de nouvelles choses du coup (lumière, contraste, environnement...).

Je peux vous le dire aujourd'hui : le projet s'est arrêté en route. J'ai refusé de continuer. 

Après avoir passé la moitié de l'année, j'ai eu la certitude que ce cadre ne me convenait pas. J'avais plutôt envie de prendre le temps à la réalisation, à la confection. Et la fréquence m'empêchait de le faire (ou sinon au prix de ne rien pouvoir faire d'autre de mon temps libre, ce qui était difficilement envisageable). 1 séance par semaine c'était trop. Je me suis posé la question d'une (grosse) séance par mois mais ce cadre me semble trop fragile pour me permettre de m'y tenir. 

Ma démarche par l'auto-portrait est une forme de travail sur moi-même. Aussi, comme tout travail sur soi, il y a des jours où je ne veux pas m'y soustraire, où mes défenses sont plus persistantes que mon désir d'aller travailler ce qui s'agite sous la surface. Un cadre régulier, fréquent et strict permet de ne pas pouvoir se dérober (prenez une psychanalyse classique, 2 ou 3 séances d'analyse par semaine...) alors que l'assouplissement permet la fuite. En tout cas, ce fut le cas pour moi dans ce cas précis. Et l'arrêt est aussi riche à questionner dans ce qu'il met en évidence de mes résistances et de mes difficultés dans ce travail sur moi-même. 

En tout cas, l'arrêt a signé une rupture avec la photographie, comme un trop-plein, une impression d'illusion, de fausseté. Le regard de l'autre est apparu comme trop présent, trop important. Il y avait du "trop". Comme s'il y avait "trop de l'autre en moi". Je n'ai pas touché à mon appareil depuis, et je me suis absentée des réseaux sociaux où je suis pourtant d'habitude plutôt active.J'ai dû me reculer.

J'ai ouvert une nouvelle porte, moins menaçante. Et j'attends de réquilibrer la balance pour reprendre la photographie au bon moment. 

J'ai pu distinguer des mouvements différents au sein de ces semaines. J'ai décidé de découper les articles selon ces mouvements, pour les rendre plus lisibles aussi et ne pas juste présenter une suite de photos.

Durant ce projet, mes photos se sont nourries de ce que la semaine apportait comme événement, nouveauté. C'est donc aussi un peu un calendrier de souvenirs pour moi. Pour réaliser les photos je prenais un temps pour écouter :"Qu'est-ce que je vis en ce moment? Aujourd'hui ? Ces derniers jours ?" etc. Et laisser venir une image.

Voici donc le premier arc des auto-portraits :

A corps ouvert

Comme une introduction, une présentation de qui je suis, de ce que je vis, mise en scène par mon corps.

 "I'm only a crack in this castle of glass,
Hardly anything there for you to see " (Linkin Park)
 


 
 
"I'll find you somewhere
I'll keep on trying..."

(Within Temptation)






 
"I never saw the light,
But now it's shining like the stars,
I wanna close my eyes."

(Blutengel)
 



 
Invocation, c'est le résultat de ma renconre lors de cette troisième semaine de l'année, avec une jeune femme écorchée, qui m'a non seulement touchée mais aussi happée dans sa blessure béante. Après avoir discuté avec elle, mesp ensées fusaient à toute allure, mes émotions toquaient et rebondissaient entre passé, présent et avenir, entre elle et moi. Elle a aboli les limites corporelles entre elle et moi. C'est donc autour du corps que cela a du s'exprimer. Le corps comme interface avec l'autre, qui blesse, qui fend, qui s'immisce avec douleur.  Le corps qui hurle pour nous quand on n'a pas de mots et qu'on ne pourra jamais en trouver. Le corps qui vit des choses terribles qui ne peuvent être dites. Jusqu'à tomber.
Sans aucun doute, cette rencontre me perturbe encore et perturbera toujours. En un sens, elle m'a montré la puissance du malheur sur le corps...la seule limite étant celle de la vie.






 
Ou tentative 
Pas toujours facile de faire vivre tout ce qui nous traverse et de le rassembler en un soi. 
 
 





 

 
 
 
 
 
 
 



 
L'attente... de la semaine d'après !



Je clôs ce premier arc ici. En Inde. La fin de quelque chose, et le début d'une autre.
La suite fera l'objet d'un autre article. 
Lilith




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